2e Journée TechniquePlus de goût, plus de typicité, plus de sécurité

21 mai 2015

Bernard Mietton

« Des appréhensions non justifiées »

Bernard Mietton explique les enjeux de cette journée.

Adopter un nouvel agent d’affinage suscite toujours beaucoup d’appréhensions et de difficultés. Pourquoi ?

BM : Parce qu’il ne suffit pas de remplacer un agent d’affinage par un autre ! Ce doit être un choix multi-raisonné, qui nécessite de définir les conditions optimales pour que les agents en question puissent agir. Il faut raisonner en termes de système global, comprendre l’ensemble des interactions qui vont s’opérer ou pas. L’enjeu est de bien piloter l’écosystème microbien et enzymatique pour permettre l’expression de l’agent d’affinage souhaité.

L’une des autres appréhensions, en travaillant avec des ferments du commerce, est que son fromage ressemble à celui de son voisin…

BM : Ce n’est pas justifié. Pour la même raison : un agent d’affinage va s’exprimer de façon différente selon l’écosystème où il est implanté. Ce n’est pas parce que on va utiliser les mêmes agents que l’on va avoir les mêmes produits. Le principal enjeu est plutôt d’assurer ensuite une régularité.

Quels sont les leviers sur lesquels agir ?

BM : Ils sont nombreux : composition du fromage au démoulage (humidité dans le fromage dégraissé, teneur en sel, minéralisation, sucres résiduels, pH…), conditions d’affinage (température, humidité relative, oxygène, ammoniac…).
On peut, par exemple, décider d’activer plus ou moins telle flore pour favoriser l’expression de qualités sensorielles spécifiques. En démarrant l’affinage plus chaud, on va favoriser Geotrichum au lieu de Penicillium Camemberti. Affiner plus froid va contribuer à augmenter la typicité aromatique.

Comment lutter contre un accident d’origine microbienne ?

BM : Il faut raisonner, là encore, en écosystème : il y a une cause déterminante (la présence du micro-organisme), mais aussi des conditions favorables à son développement. Il faut envisager une lutte raisonnée en limitant la présence des micro-organismes indésirables et rendre le milieu le plus favorable à la flore recherchée.

Vous êtes l’un des intervenants de la « clinique des fromages » que va proposer cette journée. Est-il pertinent de parler de problèmes de fabrication et d’affinage sans être sur le terrain ?

BM : Les trois intervenants ont l’habitude d’être confrontés à ce genre de situations à l’occasion de formations et d’échanges. Leurs solides connaissances scientifiques relayées par une grande expérience terrain leur permettent, sans être dans les locaux de fabrication ou d’affinage, d’identifier des causes, donner des pistes de travail et proposer des remèdes, en ayant les fromages simplement sous les yeux et discutant avec le fromager. Voire même en discutant uniquement à partir de photographies.