5e Journée TechniqueInnovation et évolutions des pratiques

Paris - 19 juin 2018

Mikaël Pianfetti 

« Sécuriser son process tout en gardant de la typicité »

Quand faut-il préférer l’ensemencement direct ? Quand faut-il privilégier les grands levains ? Mikaël Pianfetti (Dupont Danisco) fournira des éléments de réponse lors de la conférence « Mieux arbitrer entre les techniques d’ensemencement ».

- Quels sont les critères de choix qui doivent guider un fromager dans le choix de sa technique d’ensemencement ?
MP : C’est avant tout une question d’échelle : plus les volumes sont conséquents, plus il va chercher à sécuriser sa production en termes de maîtrise qualitative, de régularité, de rendements. Des objectifs que peut lui assurer l’ensemencement direct. Plus on cherche à être régulier, plus il est difficile de travailler avec des ferments type levain, dont le comportement varie en fonction de l’évolution du lait, qui est une matrice vivante.
A l’opposé, le producteur local va plus facilement s’accommoder de variations de qualité, va être plus attaché, au nom d’une certaine authenticité, à travailler avec ses propres cultures. La technique du grand levain, si elle est bien maîtrisée, va lui donner satisfaction.

- La question se pose surtout pour des ateliers intermédiaires, artisanaux, qui fabriquent des produits de tradition à une certaine échelle. Beaucoup se méfient de l’ensemencement direct par crainte de « standardiser » leur produit et, plus généralement, d’amenuiser la biodiversité.
MP : Il ne faut pas croire qu’un même ferment ou cocktail de ferments va donner les mêmes produits selon les fabricants : le process joue un rôle majeur dans leur expression. Les deux approches sont viables…, à condition de savoir adapter son process. On entend parfois des exemples de fabricants qui changent de mode d’ensemencement et reviennent ensuite à leur première méthode : c’est souvent parce qu’ils continuent d’utiliser un process type grand levain avec de l’ensemencement direct. Nous donnerons des exemples concrets des adaptations nécessaires.

« L’authenticité », la « signature du terroir », sont du côté des grands levains. Qu’en est-il des notions de « typicité » et de « richesse aromatique » ?  
MP : L’offre en « ferments du commerce » a beaucoup évolué pour répondre à la double demande des fromagers : à la fois sécuriser leur process et avoir des produits uniques. Il y a vingt ans, les ferments directs ne comportaient que quelques souches que l’on connaissait bien, avec une cinétique régulière. Dans les années 80, on proposait même une souche unique, « pure ». Mais en cas d’attaque de phages, se posaient des problèmes d’acidification. On a ainsi commencé à marier des souches complémentaires, qui ne sont pas sensibles aux mêmes phages. On a augmenté progressivement, passant aux duos, aux trios, jusqu’à une vingtaine de souches aujourd’hui, comprenant à la fois des souches acidifiantes et aromatisantes, en étant capable de faire du sur-mesure. Cette stratégie est pertinente pour les gros volumes comme pour un petit fermier qui veut enrichir sa gamme et va ainsi gagner en flexibilité.

Quel avenir pour les grands levains ?
MP : Ils risquent de disparaître à long terme : les nouvelles générations n’ont pas forcément le temps pour bien les maîtriser. En effet, la priorité de nos clients est souvent la maîtrise des process fromagers ou le développement de nouveaux produits. Ils doivent pouvoir utiliser au mieux leurs ressources d’innovation. De plus le métier de producteur de ferments devient également très complexe.