Réseau tradi, relation employeurs-salariés, les temps changent !

Comment les patrons s’adaptent

… et peuvent tirer parti des apports et compétences de la nouvelle génération.

« Le plus grand défi de demain, c’est de trouver les équipes pour pouvoir travailler. » Le constat de Maxime Quatrehomme (5 boutiques à Paris et Issy), largement partagé par ses confrères et consœurs, s’explique par un turnover de plus en plus élevé. Mais les demandes des collaborateurs actuels permettent de faire émerger, au travers de solutions concrètes, des dynamiques positives.

bla« Parler chiffres et résultat avec les salariés permet
de les responsabiliser » Jérémie Chosson (Poitiers)

De la flexibilité pour
plus de performance
Pour répondre à la recherche d’équilibre entre vies personnelle et professionnelle, la gestion des plannings fait peau neuve. 35 heures et pas plus, semaines tenant sur quatre jours, samedis libérés régulièrement et dimanches optionnels : les solutions mises en place sont multiples et les résultats très encourageants. Jean Bordereau, détaillant à Lyon (Les 3 Jean) le constate : « Le salarié est beaucoup plus disponible quand il revient au travail. Le temps libre lui permet de ne pas se déconnecter socialement. Il y a un bien-être qui s’installe dans la société. » Un bien-être que la clientèle perçoit.
Pour pallier les samedis et dimanches non travaillés, certains patrons s’appuient sur un pool d’étudiants qui peuvent apporter une véritable dynamique en boutique : « Dans les grandes villes, il y a beaucoup d’universités avec des jeunes brillants et qui ont besoin de gagner un peu d’argent pour payer leurs études. A Lyon, nous avons ainsi des jeunes qui ne vont nous accompagner que pendant un an, un an et demi, mais qui s’approprient très vite le métier », commente Hervé Mons.

bla « Des étudiants peuvent être d’un grand renfort le week-end »

Les coupures de la mi-journée, qui décourageaient les collaborateurs, se voient également aménagées : grandes amplitudes d’ouverture, équipe du matin et équipe de l’après-midi et spécialisation plus marquée comptent parmi les solutions. Là aussi, l’aménagement est bénéfique : « La coupure fatiguait les collaborateurs. Ils avaient l’impression d’être là cinq jours, mais plus de 50 heures », constate Jean Bordereau.
Chez Benoît Lemarié (Aix-en-Provence), des pôles ont été créés : « Une personne va être plutôt en charge des plateaux, une autre des affinages, une autre de tout ce qui est achalandage et mise en place du magasin : cela me permet de n’avoir qu’un seul interlocuteur par sujet et, surtout, à tous mes employés de se sentir valorisés. »

bla « Un niveau de culture fromagère dix fois supérieur à il y a quinze ans »

Laurent Dubois (Paris) adopte une approche similaire : « On veut toujours dans nos boutiques des gens polyvalents, mais malgré tout, on aime bien les responsabiliser sur une mission un peu plus que sur une autre. Les gens du matin sont plus dédiés à réceptionner, ranger les caves et soigner les fromages. Les fromages retravaillés sont produits le matin et l’après-midi est consacrée à la gestion de l’activité commerciale. »
Luc Segaux (Fromagerie Tourrette, Strasbourg) challenge ses équipes en les invitant à « se projeter dans des créations fromagères, pourquoi pas de plateaux avec des découpes un peu originales. »

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Ce qu’ils peuvent apporter
Plus de temps libre
 Contrat 35 heures
 Semaine de 4 jours
 Roulement sur les week-ends
 « Pool étudiants » pour assurer les samedis et dimanches matin

Plus de temps libre
 Contrat 35 heures
 Semaine de 4 jours
 Roulement sur les week-ends
 « Pool étudiants » pour assurer les samedis et dimanches matin

De l’autonomie
pour s’exprimer
 Responsabiliser les salariés sur des postes spécifiques : affinage, réception, préparations maison…
 Confier des projets à moyen/long terme comme le développement de produits maison ou la communication de l’entreprise
 Être à l’écoute des suggestions

Une fonction
qui ait du sens
 Cahier des charges interne sur les critères de sourcing
 Politique RSE (zéro déchet, etc.)
 Visites de producteurs ou fiches produits détaillées consultables

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Générer l’adhésion

Communiquer sur les chiffres de l’entreprise est un vecteur clé de motivation, à la fois en apportant de la confiance dans la relation entre patrons et collaborateurs et en permettant de mettre en place des objectifs qui poussent à progresser. A Poitiers, Jérémie Chosson s’est engagé résolument sur cette voie : « Je partage les marges que l’on réalise, les coefficients multiplicateurs, mais aussi nos consommations d’électricité ou d’eau, pour que mes collaborateurs soient encore plus impliqués. Ils ont intégré que ce sont des lignes qui vont améliorer leur prime d’intéressement. »
Une fois cette transparence installée, la convivialité peut opérer. « Le week-end de la Pentecôte 2022, nous avons emmené tous nos collaborateurs, donc trente personnes à L’Etivaz. C’était fantastique », décrit Christelle Lorho (Strasbourg). « La cohésion d’équipe est primordiale : moi, je veux que tout le monde aime travailler ensemble. Cela crée de la fluidité, les clients le ressentent beaucoup », explique Benoît Lemarié, accompagné par un coach en management depuis six ans (lire tribune ci-contre).

bla« Chaque employé a une spécialité qui le valorise » Benoît Lemarié (Aix-en-Provence)

Faire du turnover
une richesse
Trois ans, voire deux : les collaborateurs restent bien moins longtemps qu’auparavant, soit pour changer de voie, soit pour s’installer à leur compte. « Je crois que chez nous, il y en a une vingtaine qui se sont installés depuis quelques années », estime Laurent Dubois. Si les solutions évoquées précédemment permettent de réduire le turnover, le renouvellement d’une partie des équipes peut parallèlement permettre de « ramener un peu de sang neuf et de nouveautés. On arrive à avoir des gens qui sont productifs plus vite : ce que l’on perd d’un côté, on le gagne de l’autre », commente le fromager parisien.
« On est presque contents qu’un tiers de l’effectif change régulièrement parce qu’ils nous motivent », réagit Christelle Lorho (Strasbourg). Maxime Quatrehomme qualifie même d’« avions de chasse » ces nouvelles recrues : « Ils ont un niveau de culture fromagère dix fois supérieur à ce qui existait il y a quinze ans. Mais ces gens-là, je sais que je ne vais pas les garder, je vais en profiter pendant trois ans et ils vont profiter de mon savoir-faire, c’est donnant donnant. Et après, je leur souhaiterai bonne chance parce qu’ils ont tout à faire dans notre métier et vont le valoriser. » Sélectionner des personnes avec des parcours différents est aussi une opportunité de « ne pas avoir une monoculture fromage. Ce panel d’horizons crée une émulation », constate Jean Bordereau.
« Finalement, on a des trilingues, des quadrilingues, des criminologues, des musicologues, on a élevé le niveau », abonde Cyrille Lorho. De quoi rester éveillé et optimiste pour la suite. n