Marie-Christine Montel
« Maintenir la biodiversité à tous les stades »
Marie-Christine Montel (Inra Aurillac) présente son intervention sur les « communautés microbiennes anti-Listeria et anti e.coli » dans le cadre de la conférence “Plus de sécurité et de DLUO/DLC” .
Vous avez mené des travaux récents qui montrent l’efficacité de communautés microbiennes contre les pathogènes ? De quoi s’agit-il ?
MCM : Nous avons en effet travaillé sur des stratégies d’inhibition de Listeria monocytogenes (Lm), l’une des bactéries qui résiste le mieux dans les environnements d’affinage, en mettant en œuvre des consortiums microbiens naturellement présents sur les fromages. Nous avons, par exemple, pu en isoler sur des croûtes de saint-nectaire et montrer leur efficacité après inoculation sur croûte. La littérature scientifique cite également des exemples sur des laits crus et sur certains fromages à croûte lavée, où des communautés bactériennes peuvent faire barrière à Lm. Des biofilms microbiens protecteurs ont déjà été mis en évidence sur des planches d’affinage de reblochon ou sur des gerles de salers.
Combien d’espèces microbiennes différentes comportent ces consortiums ?
MCM : Cela peut aller de 5 à 40 espèces différentes. Mais ce n’est pas le nombre d’espèces qui compte, mais plutôt leur association. Nous avons réussi à simplifier certains de ces consortiums, nous arrivons à avoir des complexes inhibiteurs efficaces composés de 5 ou 6 espèces seulement. Et des consortiums de compositions très différentes peuvent produire le même résultat.
Quels sont les mécanismes en jeu ?
MCM : Nous sommes encore loin d’avoir tout compris. Il y a sans doute une accumulation de facteurs qui font barrière. Une compétition plus intense pour les nutriments notamment, la production d’acides peut-être… Les facteurs environnementaux ont également un rôle à jouer : l’humidité relative en cave, la température… Nous nous sommes aperçus, par exemple, qu’augmenter la température de 9 à 13 degrés dans une cave d’affinage crée plus d’inhibitions sur les pathogènes en présence de consortia inhibiteurs, alors que c’est l’inverse en leur absence. L’augmentation de température pourrait favoriser les populations microbiennes antagonistes.
Qu’en est-il d’E-coli et des stecs ?
MCM : Des travaux en cours montrent que certaines associations de souches microbiennes diminuent le risque, aboutissent à la décroissance des stecs. C’est une voie prometteuse.
La stratégie hygiéniste veut faire le ménage. Votre approche consiste, au contraire, à occuper le terrain…
MCM : Le message général est qu’il faut maintenir la biodiversité à tous les stades de la production du lait jusqu’aux fromages affinés, trouver la bonne association au bon moment. C’est encore un peu de l’alchimie. Nous n’avons pas de solution miracle...
Les consortiums que vous avez testés sont-ils disponibles ?
MCM : Nous n’avons pas déposé de brevet, mais nous pouvons étudier la demande d’opérateurs, surtout sur le champ des pâtes pressées non cuites.