Sabrina Raynaud
« Ni possible, ni souhaitable de transformer les élevages en salle blanche »
Sabrina Raynaud, chef de projet sécurité sanitaire du lait et des produits laitiers à l’Institut de l’Elevage, interviendra sur la gestion du risque STEC à la ferme.
Que sait-on de la présence des STEC dans les exploitations laitières ?
Selon des prélèvements effectués en 2010-2011 dans des abattoirs dans le tube digestif de vaches laitières, on peut estimer la présence de souches isolées issues des 5 sérotypes dits « hautement pathogènes » (STEC HP) pour 1,8% d’entre elles (Bibbal et al., 2012). Nous ne disposons pas à l’heure actuelle de données de prévalence des STEC à l’échelle des exploitations laitières en France.
Quelle est l’origine des contaminations à la ferme ?
Le réservoir primaire est le tube digestif des ruminants, dont E.coli est un hôte tout à fait banal. Les matières fécales sont donc la principale source de transmission de STEC HP. Les STEC peuvent survivre longtemps dans l’environnement (traces de bouses sur les bâtiments, fumiers, lisiers…) et peuvent recontaminer les animaux, leurs aliments, le lait lors de la traite si les trayons ne sont pas propres par exemple…
Et la source initiale ?
On ne sait pas trop, nous n’avons pas d’évidences. On a eu des cas où des élevages différents contaminés buvaient à la même source.
Peut-on imaginer éradiquer les STEC ? Et comment ?
C’est utopique. A priori, les mesures de prévention des contaminations fécales déjà appliquées pour les salmonelles, les Listeria, etc., doivent aussi être efficaces pour les STEC HP : bien nettoyer les locaux, avoir des animaux propres et en bonne santé, éviter les croisements entre les effluents et les animaux et leurs aliments… Et surveiller les indicateurs d’hygiène dans le lait comme les E.coli génériques…
Mais il n’est ni possible ni souhaitable de transformer les élevages en salle blanche en désinfectant tout, il paraît plus souhaitable de rechercher des équilibres microbiens, d’encourager des écosystèmes complexes, qui vont empêcher les bactéries indésirables de s’installer et de prospérer. Nous pensons en effet que les flores utiles recherchées pour la transformation du lait cru ont aussi un rôle à jouer dans la prévention sanitaire à la ferme.
Comment réagir en cas de contamination du lait ?
Un guide interprofessionnel coordonné par le Cniel est paru en 2015. Ce petit livret décrit les mesures à prendre. En cas d’alerte, à la ferme, il faut cibler les accidents de contamination fécale et mettre en place des mesures de maîtrise. D’abord stopper le passage dans le lait (traite, machine à traire, propreté des trayons…), puis limiter la circulation dans l’élevage (entretien des litières, des abreuvoirs, propreté et circulation des animaux…). Puis enfin limiter le portage et l’excrétion fécale.
Le programme « STECAMONT », en cours, est en train de tester l’efficacité de mesures de maîtrise tel que donner aux animaux des argiles (pour éviter les inflammations intestinales qui pourraient favoriser l’adhésion des STEC dans le tube digestif) et des levures (probiotiques, pour diminuer l’excrétion des STEC).